Bonjour tristesse

« E », une amie que j’avais déjà photographiée cinq, six ans auparavant, me demande de venir prendre des photos. Etant plasticienne elle avait transformé des images que j’avais faite de son corps et voulait récidiver. Je comprends aux vues d’une situation compliquée, en cour  de séparation, que mon amie m’appelle à l’aide, un dimanche, jour redoutable où le travail n’est plus et que le loisir règne en maître. Une occupation entière de son esprit s’imposait ; rien de tel je vous le dis que de se retrouver nue devant un photographe qui vous fait changer de positions toutes les cinq minutes en puisant dans toutes ses ressources pour que la séance dure le plus longtemps possible… Sans doute je devais aussi occuper mes pensées au labeur. Je constate aussitôt, sur son visage et son corps amaigris, les ravages de la tristesse. La journée passa, puis la fin.
Car hélas cela devait s’arrêter à moment donné. Nous avons tous connu ces moments de ténèbres où nous retombons dans « l’autre », où est-il ? Que fait-il ? Avec qui est-il ? Ces questions terribles qui tournent en boucle qui n’avaient de sens ou pas, que pour elle. Le peu de bien que je lui fis ce jour-là, donne une séquence d’images qui prolonge cet état. « E » n’a jamais pu travailler sur ces images mais elle comprend toute la portée de les faire voir ; une mise à nue pas seulement du corps.

« Bonjour Tristesse! »
Estelle is a close friend, I took some photographs of her a couple of years back, and she asked me to photograph her again. As an artist herself, her approach the first time was to transform the images that I had captured of her body, and she wanted to reiterate this very experience. She was going through a tough breakup, and her desire to renew that experience felt more like a call for help.
It was on a Sunday: a day to focus on oneself, when work is no longer dictating the daily routine. She managed to find herself very busy: standing naked, in front of a photographer asking to change her posture every other minute, making this moment last as long as possible. My thoughts were also focused on the work we were actually doing. Starring at her face, and skinny body, I could witness how deep her sorrow was. The day went on, and its end came too. This dreadful outcome was bound to happen.
We‘ve all been through those moments when we can’t help but think about “the other”. Where is he? What is he doing? Who is he with? Those questions are looping in our minds, whether pointless or not, are still there. Whether or not being there for her on that day helped in any way, the result shown in pictures is enough to make a statement on its own. Estelle was never able to rework the images, yet she understands the point of showing them: baring her body, but not only.

From the hundreds of pictures taken that day, here is the one that was selected.

Olivier Espero -  Bonjour tristesse Bonjour tristesse

Marco

Un jour, je vois un gars de dos avec une cicatrice dans la nuque, impressionnante. Je lui demande s’il aimerait que je le photographie. Il est surpris par ma proposition mais cela lui fait plaisir, il adore sa cicatrice qui lui a en quelque sorte sauvé la vie.
Marco me confie qu’après son accident il a fait trois ans de démarches à Rome pour se faire débaptiser, il est Espagnol ! Il m’explique qu’un enfant lui est tombé dessus dans une piscine, ce qui a provoqué une rupture au niveau de la colonne vertébrale ayant touché la moelle épinière. Sa chance me dit-il, c’est la science des hommes tel le chirurgien qui l’a sauvé de la mort et de l’infirmité, pas celle de dieu qui lui avait fait rencontré cet enfant au mauvais moment.
Les trois images que vous regardez, d’un homme nu perdu dans un grand espace, ont été réalisées à La Générale rue du Général Lassalle à Paris. Cet endroit n’existe plus, c’est devenu la cour d’un hôpital psychiatrique.

I saw this guy once, with a very impressive scar on his neck. I asked him if he would accept being photographed. At first he was quite surprised by my request, but eventually agreed as this scar somehow saved his life and holds deep meaning for him.
Shortly after his accident, Marco decided to start the procedure in Rome to cancel his baptism, from his native Spain! The story behind the accident is that, a child fell on him as he was in a swimming pool, causing a fracture around his cerebral vertebrae and hitting the spine. His luck, as he put it, is science and medical progress, such as the surgeon who gave him the chance to carry out his life without any disability, rather than god who made him meet this child at the wrong time and the wrong place.

The three photographs, of this naked man in a huge empty space have been taken at La Générale, rue du Général Lassalle in Paris. This place no longer exists; it has become the courtyard of a psychiatric hospital.

Olivier Espero -  Marco Marco
Olivier Espero -  Marco Marco
Olivier Espero -  Marco Marco

Topographie des Camps

Ce travail représente les traces des camps de concentration, de passage, de transit, dans la période 1939-1945 en France.
Un réflexe s’impose lorsque, depuis longtemps, je photographie ces lieux ; la possibilité de fuir au delà de ces démarcations. Mon regard se pose alors sur le paysage d’en face ; pour fuir quelques instants?
Se peut-il que les personnes enfermées ici aient eu cette même réaction?

Ma proposition visuelle s’impose dès lors comme une confrontation :

– D’un côté, les images des camps, topographies, murs, monuments, plaques commémoratives, toutes traces qui élaborent un constat qui fige le territoire.

– De l’autre, les images des paysages en face des camps, vierges de toutes traces d’histoire.

Olivier Espero -  Brens Brens
Olivier Espero -  Brens Brens
Olivier Espero -  Les Sables Les Sables
Olivier Espero -  Arenc Arenc
Olivier Espero -  Saliers Saliers
Olivier Espero -  Rivesaltes Rivesaltes
Olivier Espero -  Rivesaltes Rivesaltes
Olivier Espero -  Beaudesert Beaudesert